Présentation du livre L’intelligence de l’art: regard sur les principes organisateurs de l’expérience artistique de Danielle Boutet

Mon livre1 est sorti cette année. Un ami artiste bruxellois, Emmanuel Tête, en a rédigé une présentation bien généreuse et fort pertinente. Je l’en remercie chaleureusement !

— Danielle


Si le livre de Danielle est précieux, c’est qu’il essaye de théoriser l’art du point de vue de l’expérience que l’on en fait autant en tant que producteur qu’en tant que récepteur.

Le travail de Danielle prend sa source notamment dans des expériences vécues et des écrits d’artistes et ne cherche pas une position de surplomb que prend parfois la théorie.

L’ouvrage est une tentative de définir la pratique de l’art de manière transhistorique, transdisciplinaire et transculturelle. Il cherche à faire émerger ce qui se situe en arrière-plan des formes d’art et des contextes culturels, les structures qui les produisent. En ce sens, il est un essai anthropologique.

Il met en exergue et explicite un certain nombre de notions qui nous permettent de mieux comprendre le rôle de l’art dans l’existence humaine et dans la constitution d’une culture.

À l’inverse des théories scientifiques et économiques qui jugent secondaire l’importance de l’art, Danielle soutient que l’art, comme le langage, répond à un besoin existentiel primordial antérieur au développement économique et technique, que manifestent par exemple les peintures rupestres.

Il est une forme d’expression hors du langage et des concepts et répond au besoin de faire ce que Danielle appelle des expériences “augmentées”, c’est-à-dire un type d’expérience qui mobilise toutes nos facultés sensibles, intellectuelles et émotionnelles, bref tout notre être.

L’art, en tant que faculté d’imagination, est un moyen pour nous de créer un monde personnel, mais aussi un monde collectif, c’est-à-dire une totalité structurée et signifiante pour que notre existence ne soit pas vécue comme absurde. L’art matérialise, à travers l’œuvre, nos contenus psychiques qu’ils soient rationnels ou émotionnels dans des formes avec lesquelles nous interagissons. Ces interactions sont le vecteur d’un agrandissement de nos facultés (intelligence, sensibilité, conscience, imagination) et par conséquent le vecteur d’un enrichissement de notre manière d’être au monde.

L’œuvre d’art est ce que Danielle appelle une forme signifiante, ce qui veut dire qu’elle signifie en matérialisant et non en discourant ou en forgeant des concepts. L’œuvre est un dispositif à vivre et à interpréter et plus que le véhicule d’une signification, elle est une expression métaphorique ou analogique des structures d’un esprit humain.

Au niveau culturel, l’art est dépositaire d’une valeur au sens où il est à l’origine de la création de valeur, qu’elle soit symbolique, sociale, ou marchande. Il est le surplus d’âme de tout objet produit.

Dans les rituels et les pratiques religieuses notamment, l’art instaure ou fait exister les dimensions invisibles qui échappent à notre rationalité.

Et enfin, Danielle dans son ouvrage propose de dépasser la vision dualiste et causale entre matière et esprit, qui domine depuis Descartes, pour penser l’art comme une puissance figurale, ou imaginale (puissance agente), où la matière et l’esprit forment un ensemble qui les rendent indistinguables. »


Emmanuel Tete

Emmanuel Tête est artiste en peinture et en dessin, enseigne à l’École d’art d’Uccle et à l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre, à Bruxelles.

  1. L’intelligence de l’art, Danielle Boutet, 2023. Presses de l’Université du Québec. []

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