Agir par le dedans : la recherche-création, l’intériorité, le monde
« Coextensif à leur dehors, il y a un Dedans des choses. » — Teilhard de Chardin
En recherche-création, nos études sur l’expérience créatrice, sur la subjectivité, et toutes les questions artistiques que nous explorons ainsi, forment à mes yeux un grand corpus de recherches sur l’expérience humaine, sur les potentiels humains, et sur l’intériorité. Et par intériorité, je n’entends pas seulement la nôtre personnelle : je parle aussi du monde non humain, des animaux, des êtres, des éléments.
L’université est dominée par une forme de science qui s’astreint à n’observer et n’interpréter que le « dehors des choses ». Mais nous sommes dans cette université, nous aussi, et notre projet de recherche-création se détourne de cette objectivité imposée, pour proposer une approche singulière, qualitative, intime, phénoménologique souvent — une approche qui permet de travailler au plus près du « Dedans des choses ». Et qui pourrait nous renseigner sur cette cosmologie de l’interconnexion et cette intelligence de l’alliance main-matière-esprit, qui depuis la préhistoire ont construit le monde humain et humanisé le cosmos. Et dont nous avons besoin plus que jamais.
Voici l’enregistrement et le texte d’une présentation qui a eu lieu au Doctorat en études et pratiques des arts de l’Université du Québec à Montréal, le 19 novembre 2024. Elle se veut un peu dans un axe de science engagée.
Verbatim
Agir par le dedans :
la recherche-création, l’intériorité, le monde
Avant-propos
Je vais commencer par une anecdote d’un ami à moi, Claude Schryer, qui est un artiste sonore, et qui a décidé de consacrer désormais tout son travail à la situation climatique. Claude s’étonne que les artistes, qu’on aimerait croire plus conscientisés, nous continuons souvent nos activités comme si de rien n’était. Le printemps dernier, l’Orchestre symphonique de Paris est venu donner un concert à Montréal et Claude a été troublé que la seule allusion à la catastrophe en cours était la brève mention d’une réduction du nombre de pages dans le programme en papier (pour la planète, soi-disant)ii. C’est alors qu’il a proposé qu’on prenne l’habitude de faire une sorte de « déclaration d’urgence climatique » au début de nos événements, un peu comme celles qu’on fait pour reconnaître que les terres sur lesquelles nous nous trouvons sont des territoires autochtones non cédés.
C’est ma troisième fois d’ouvrir une communication avec cette remarque de Claude. Personnellement, je ne m’imagine plus rien faire sans envisager mes actions dans ce contexte catastrophique. Une catastrophe déjà bien avancée, on est d’accord, mais suffisamment lente pour qu’on s’imagine avoir encore le temps de faire comme d’habitude, « as usual ». Mais en fait, tous nos propos, et tous nos travaux, deviendront vite insignifiants aux yeux de l’histoire, quand les chercheurs du futur réaliseront que nous ne prenions pas acte du désastre qui se déroulait sur la planète. En ce qui me concerne, je ne peux m’empêcher de garder à l’esprit que tout ce que nous faisons aujourd’hui est forcément, d’une manière ou d’une autre, lié au contexte climatique; un contexte qui est déjà installé comme l’axe principal de l’histoire humaine de notre époque.
C’est d’autant plus important dans le séminaire d’aujourd’hui, qui selon moi constitue un événement scientifique significatif dans ce contexte. Car cela va peut-être vous surprendre, mais je pense réellement que ce que nous faisons en recherche-création est signifiant sur ce plan-là. Nos études sur l’expérience créatrice, sur la subjectivité, et toutes les questions artistiques que nous explorons ainsi, en viennent à former un grand corpus de recherches sur l’expérience humaine, sur les potentiels humains, sur l’imagination, sur la créativité, et sur l’intériorité.
Au regard de la longue histoire, l’époque présente est un moment décisif, un kaïros comme auraient dit les Grecs. J’ai ouvert mon livre, L’intelligence de l’art, avec cette question « mais pourquoi l’art ne peut-il pas sauver le monde? » Pour vrai, c’est une question qu’on m’a déjà posée, et à laquelle l’ensemble de mon travail est une sorte de réponse. Car je suis convaincue que si quelque chose peut nous sauver, c’est bien l’art. Oh, je ne parle pas d’œuvres en particulier ni de projets spécifiques, mais de l’existence même de l’art — en tant que la version occidentale d’un grand type d’activité que je vais appeler aujourd’hui le « faire créateur ». Et donc je reprends : si quelque chose peut nous sauver, c’est bien le faire créateur. Et j’utilise ce terme pour désigner l’ensemble des activités liées à la culture et à la dimension esthétique, telles la conception des mythes et des rituels, la fabrication d’images, l’aménagement des lieux, etc. Toutes ces activités relevant de l’alliance main-matière-esprit (ou corps-matière-esprit) qui ont présidé aux cultures du monde, et dont l’art fait partie – et c’est à ce titre que je crois en son pouvoir.
Et je poserais la question de cette façon : va-t-on laisser aujourd’hui l’art être assimilé par la science et la technologie, comme on s’y attend dans certains milieux, ou bien allons-nous retravailler sur sa nature essentielle et transhistorique d’une sorte de pratique de l’intériorité?
Mon livre explore en fait la fonction existentielle de l’art — une exploration que j’ai résumée en exergue du livre par cette citation de Joseph Beuys : « L’homme est l’œuvre de l’art ». Depuis, j’ai découvert que son intuition de cette fonction existentielle est corroborée par l’anthropologie. Souvent les artistes et les anthropologues ont eu les mêmes intuitions.
Le monde positiviste versus l’intériorité : deux grandes épistémologies
Nous vivons sous la domination idéologique d’un certain type de science, qui essentiellement regarde les humains et tous les autres êtres vivants de la planète comme autant de petites machines biochimiques. Cette science sans états d’âme est d’une grande puissance en matière de production technologique et de nouvelles molécules, mais elle n’a rien à dire sur tout ce qui appartient au versant intérieur, spirituel et psychique, du monde; c’est-à-dire tout ce qui n’est pas directement observable ou mesurable. Ce sont les sciences humaines, et particulièrement celles qualitatives, qui peuvent en parler. Donc l’anthropologie, justement, et ses nombreuses spécialités, comme l’ethnographie, la mythologie, etc. Mais aussi l’histoire, les arts et les littératures et la toute récente recherche-création… Autant de « sciences » (à mes yeux, en tout cas) qui, elles, sont capables d’étudier le vécu, l’expérience et la conscience humaine. En somme, capables d’étudier l’intériorité.
Je suis consciente que ce terme, « l’intériorité », peut être vu comme problématique, particulièrement aux yeux de la philosophie, peut-être, de la psychologie ou de la neurologie. Et je ne crois pas que ce soit un terme que beaucoup d’entre vous utilisent non plus.
Je ne veux pas personnellement en faire un truc compliqué, je veux l’utiliser en fait dans son sens naturel, phénoménologique, comme le vécu que nous avons tous et toutes d’avoir une conscience, d’être une personne, de vivre une vie intime en nous-même. Ensuite, voir qu’il y a l’expérience, donc, de l’intériorité, mais aussi les contenus de l’intériorité : tous ces faits subjectifs, toute cette vie intérieure, qui constituent le sens, ou la signifiance de la vie, sur laquelle repose notre compréhension du monde et de nous-mêmes, et sur laquelle portent les œuvres d’art et les artefacts anciens. Bref, l’intériorité en tant que réalité phénoménologique — non pas un truc conceptuel, mais une réalité sensible et agissante.
Et il ne s’agit pas uniquement de nos intériorités personnelles : il y a aussi l’intériorité du monde non humain, c’est-à-dire les animaux, les êtres, les éléments. En fait, je nous propose d’envisager l’intériorité comme le versant intérieur du monde manifesté, et donc comme un lieu; un lieu ininterrompu, coextensif au monde extérieur. Ce lieu paradoxal et incommensurable au sein duquel nous vivons nos expériences. Il est facile d’en zapper l’existence car nous sommes continuellement dedans — comme l’océan pour le poisson.
Mais on en devient plus conscients à certains moments, par exemple lorsqu’on est en relation avec des œuvres d’art, et qu’on doit passer de la réalité ordinaire à celle, imaginale, d’une œuvre. On peut observer alors que l’intériorité n’est pas seulement le lieu intime où nous sommes seuls au cœur de nous-mêmes : elle nous dépasse pour englober aussi l’intériorité de l’artiste. Et au-delà, celle des êtres et du monde qui sont les sujets dans les œuvres. L’intériorité, c’est le « Dedans des choses », ce « cœur de la matière » dont parle Teilhard de Chardin, dans un continuum qui va de l’intime au cosmique.
Par intériorité, j’entends l’Âme, la nôtre, celles des autres, celle du monde, les âmes des êtres non humains et des forces élémentales. J’entends l’infini territoire de sens, de vie, de connaissance et d’expérience dont notre intériorité personnelle fait partie. C’est le lieu des arts, de la musique, du chamanisme. Le grand continent de l’Anima Mundi et du transpersonnel ; peut-être aussi ce monde du rêve, le « dreamtimeiii » des Aborigènes australiens, qui est leur « mémoire de la Terre et du cosmos », selon l’anthropologue Barbara Glowczewski (Glô-tchosz-ski).
C’est pour cette raison que je préfère le mot « intériorité » à d’autres mots, comme « subjectivité », par exemple, ou « conscience de soi ». Dans les termes de Teilhard de Chardin, l’intériorité se déploie dans l’espace et le temps, elle est aussi réelle que le monde manifesté. Elle en est le revers, comme le revers d’une étoffe, dit-il. Plus familièrement peut-être, c’est la dimension du sens — là où le monde n’est plus constitué de choses aléatoires et reliées seulement par les lois de la causalité, mais se présente comme un tissu spatiotemporel vivant et signifiant, comme un Cosmos intégré, duquel nous sommes partie prenante.
Cette notion de l’intériorité en tant que lieu est très présente pour moi. L’année dernière, j’ai exploré la sensation de spatialité en musique dans un article intitulé « ʺUne ténébreuse et profonde unitéʺ :L’espace-temps imaginal de la musique »iv. En 2014, j’avais déjà publié un chapitre de livrev dans lequel je parlais de cette sensation d’espace (un espace phénoménologique) – quelque chose dont plusieurs musiciens et musicologues ont parlé. Philip Glass a dit: « music is a place as real as any place you have been to » — music is a place : la musique est un lieu… On trouve ce même sentiment d’espace dans la poésie, quand Fernando Pessoa écrit : « Nous ne marchons qu’à l’intérieur de nous-mêmes ». Tout ça, c’est l’intériorité. Et la fonction du faire créateur semble bien être de s’en occuper, de la manifester, et de la rendre partageable.
L’université est dominée par cette forme de science qui s’astreint à n’observer que le Dehors des choses. Mais nous sommes dans cette université, nous aussi, avec notre projet de « recherche-création » qui, à l’inverse de cette objectivité imposée, peut se faire en première personne, dans une intention phénoménologique. Du coup, il devient possible d’explorer directement de telles expériences, depuis l’intérieur. Nous pouvons alors sonder la profondeur de cette cosmologie de l’interconnexion et l’intelligence de cette alliance main-matière-esprit, qui depuis la préhistoire ont construit le monde humain, ont humanisé le cosmos, ont développé notre conscience et (très certainement aussi) notre capacité réflexivevi.
Mise à distance des paradigmes habituels
Avant de continuer là-dessus, je voudrais circonscrire ce que j’entends par « l’art », qui est un mot bien trop général et trop associé à la modernité occidentale. Je vais commencer en mettant à distance quelques-uns des paradigmes qui organisent les discours habituels sur l’art.
La primauté de la réception dans la définition de l’art
Le premier paradigme — le plus important, au fond — est la primauté de la réception. Pratiquement tous les textes habituels de philosophie, de critique et d’histoire de l’art occidentaux travaillent depuis une compréhension de l’art qui repose sur la réception. La connaissance sur l’art émane en majorité de spécialistes dont le point de vue est axé sur les œuvres et sur leurs effets sur nous. Parce que ces spécialistes sont surtout des récepteurs, leurs écrits ont amené à voir la réception comme le phénomène général de l’art. Et à voir l’art comme un grand catalogue d’objets spéciaux offerts à notre contemplation.
Mais si pour nous, au contraire, le phénomène général de l’art est la création, alors on parlera plutôt en termes d’actions, d’intentions, de processus — de « faire créateur ». C’est le regard de l’artiste, un regard posé sur le « faire », qui amène à prendre conscience de toutes ces entreprises, petites ou monumentales, que ce soit des masques, des marionnettes, des jardins, des images de la nature ou de l’inconscient, etc.,— ces entreprises qui extériorisent, voire même installent, le rapport entre l’humain et le monde. Nos faires sont un phénomène extrêmement important sur un plan anthropologique, mais qui reste dans l’ombre quand on voit les cultures seulement dans leur dimension productive.
Or cette primauté de la réception est essentiellement une affaire occidentale.
Permettez-moi un petit détour par l’extrême est de la Sibérie. En 2014, l’anthropologue française Nastassja Martin se trouvait chez les Even, des autochtones de la péninsule du Kamchatka.
Dans son livre À l’Est des rêves, qui raconte ce terrain, Martin réfléchit aux changements que le soviétisme a apportés à ces Autochtones. Il y a un passage où elle raconte comment la culture matérielle des Even est encore bien conservée. Les danses, les costumes, les masques, les cérémonies… tout cela a été sauvegardé et est encore vivant.
Mais elle fait remarquer que si cette conservation a été possible, c’est grâce au tourisme. En effet, si les danses sont encore pratiquées et les artefacts encore fabriqués, c’est pour les offrir aux touristes. La conservation est réelle, donc, mais elle se fait au prix d’une mise en spectacle. Martin écrit :
Chez les Even, donc, on a conservé les formes, mais elles sont désormais adressées à un public humain. On n’a pas forcément sacrifié les significations originelles, mais on a sacrifié l’adresse originelle — c’est-à-dire à qui ces artefacts étaient adressés : dans ce cas-ci, aux êtres non humains, aux animaux, aux forces de la nature, etc.
Remarquez, elle a évoqué : « les relations interspécifiques nouées dans et par les rituels. » L’anthropologue Philippe Descola a souvent parlé lui aussi de ce qu’on voit aujourd’hui comme étant les « arts » des peuples autochtones, ce sont bien souvent les pratiques animistes par lesquelles ils « nouaient des relations » avec ce monde non humain. Et réciproquement, ces pratiques étaient les conduits par lesquels les êtres non humains leur parlaientviii. Autrement dit, ces pratiques — ces rituels, ces masques — servaient à ouvrir un espace de relation entre les mondes humain et non humain. Pour revenir aux Even du Kamchatka, leurs pratiques ont été vidées de leur intention première, pour devenir des objets d’intérêt adressés à la curiosité détachée d’humains contemporains.
La séparation ontologique
En lisant cela, j’ai réalisé soudainement que le même phénomène s’était passé dans notre système occidental de l’art. Dans l’émergence de la modernité, on a sacrifié les fonctions que les arts servaient au sein de la vie communautaire, pour institutionnaliser un art de type spectaculaire. On a instauré ce même type de relation que les Even avec les touristes. On a construit des musées, des théâtres et des salles de concert, toutes les infrastructures nécessaires, autrement dit, pour accompagner ce glissement vers des arts qui ne servent plus des fonctions magiques, communautaires et de communication interspécifiques, mais des arts qui s’adressent à des humains définis comme des « spectateurs ».
L’ethnomusicologue Jean-Jacques Nattiez a défini l’animisme comme (je cite) « l’attribution aux animaux et aux phénomènes de la nature, voire à des objets, d’une âme analogue à celle des êtres humains ».
Et Philippe Descola, dont j’ai parlé tout à l’heure, donne à peu près la même définition : pour lui, l’animisme est « l’idée que les nonhumains sont des personnes dotées d’une intériorité de type humainix ».
Mais cela ne veut pas dire que l’animisme ne soit qu’une simple « croyance » archaïque; ou pire, un anthropomorphisme simpliste. Il faut plutôt le voir comme une décision, une décision répondant à une sensibilité. L’animisme relève de la décision consciente d’établir une relation à travers des gestes et des faires.
De notre côté, avec notre rapport d’adresse orienté vers un public récepteur, nous exacerbons la séparation ontologique entre soi et les autres — celle-là même qui permet l’objectification et l’exploitation sans limite de la nature. Alors si je parle d’animisme, du coup, c’est pour évoquer la possibilité d’un autre rapport, un rapport de convivialité et d’amitié, qui nous aiderait à envisager la crise autrement que par les lunettes de la même vision séparante qui l’a permis en premier lieu. Or les faires créateurs qui président à l’animisme sont aussi à l’origine de l’art — je veux donc croire que les artistes, nous sommes encore capables de cette intuition.
L’art comme langage
Le dernier paradigme que je veux mettre à distance est que l’art serait un langage. La fonction « expressive » de l’art est conçue comme centrale chez nous, au point où on va souvent parler de l’œuvre comme d’un « discours » — un discours sur quelque chose. Mais d’un point de vue anthropologique, c’est une idée récente : sauf quelques exceptions, notamment contemporaines, l’art n’a pas l’habitude d’être un langagex. Oui, l’art est une activité génératrice de sens, mais pas selon une logique linguistique de signifiant et signifié. L’œuvre ne véhicule pas des contenus, comme le fait le langage, elle propose une expérience sensible — et c’est cette expérience qui sera signifiante.
Nous la vivrons comme remplie de sens, mais sans forcément pouvoir dire ce qu’elle « signifie » de façon objective. Au même titre que les rituels, le chamanisme ou l’architecture, l’art matérialise, instaure ou « manifeste » nos dispositions intérieures et notre expérience des choses. Et réciproquement, il fait voir et entendre l’esprit des choses. J’y reviendrai.
Les postulats que j’ai posés : racines transhistoriques de l’art, fonction existentielle, signifiance et mondiation, intériorité
Après avoir mis à distance ces quelques paradigmes liés à l’art occidental, j’ai posé certains postulats qui m’apparaissent cohérents avec mon expérience et celle des artistes avec qui j’ai travaillé, ainsi qu’avec, je le note encore, les propositions d’anthropologues actuels.
1er postulat : racines transhistoriques de l’art
Le premier postulat, c’est que l’art occidental n’est pas l’aboutissement suprême de millénaires d’activité artistique. C’est seulement une actualisation culturellement située, et récente d’une réalité anthropologique qui, elle, traverse toutes les cultures et toutes les époques. Autrement dit, l’art que nous étudions ici n’est pas universel. Toutes les cultures ont des pratiques génératrices d’expériences esthétiques et sensibles, débordantes de signifiance et de sens, mais ces pratiques diversifiées ne répondent pas toutes à notre définition de l’art. Plusieurs, à travers les millénaires, étaient destinées à d’autres fins que purement esthétiques et avaient d’autres rapports d’adresse.
Je dis ça pour faire remarquer que plusieurs pratiques artistiques actuelles (souvent non occidentales) se comprennent mieux si on les relie à des pratiques plus anciennes. On retrouve aujourd’hui, chez plusieurs artistes contemporains, des fonctions et des opérativités transhistoriques — par exemple, des artistes qui travaillent avec des idées de rituel, de transe, d’aménagement, de sacralisation, de participation, etc.
On ne peut pas théoriser ces démarches actuelles avec les outils tardifs de notre philosophie de l’art — non plus que d’imposer aux œuvres non occidentales une pensée qui traduit tout en objets ou en événements adressés à un public. Il est beaucoup plus productif, théoriquement parlant, d’interroger directement les pratiques archaïques — et c’est ce que font des anthropologues actuels rattachés à ces grands mouvements de réflexion que sont l’écologie profonde et le néomatérialisme : des anthropologues comme ceux que j’ai nommés : Philippe Descola, Barbara Glowczewski, Nastassja Martin, etc. Et Tim Ingold.
Si on réconcilie cette séparation occidentale entre l’esprit et la matière, entre l’humain et la nature, alors on peut reconstruire une compréhension selon laquelle esprit et matière, humain et nature, connaissance et faire, sont intégrés — non pas comme deux réalités ontologiques antithétiques (comme elles le sont maintenant), mais comme deux versants d’une même réalité, d’un même monde. On peut ainsi identifier une sorte de « pensée artistique » s’apparentant aux formes de pensée ancestrales. En effet, l’engagement performatif avec la matière et la production de formes ou d’images — tant ancestraux que contemporains — constituent une épistémologie et un éthos à part entière… l’épistémologie et l’éthos du faire créateur.
2e postulat : la fonction existentielle de l’art et des faires créateurs
C’est ainsi que je me suis orientée vers des paradigmes et des épistémès de la non-séparation — à la fois liés aux pensées-racines originelles et à la pensée immersive très actuelle du néomatérialisme et de l’écologie profonde. Ce sont là des compréhensions de l’humain pour qui vie psychique et vie physiologique sont deux versants d’une même vie. On oublie que nos besoins psychiques sont aussi importants et pressants que nos besoins physiologiques : il n’y a pas juste la faim, la soif et la sécurité, nous avons aussi des besoins relationnels (d’appartenir, de participer, d’avoir un statut) dont le manque peut autant nous tuer que la soif. Et aussi des besoins existentiels (comme se réaliser, se dépasser, vivre dans un monde signifiant) qui sont tout aussi vitaux et qui, comme les premiers besoins, demandent une attention et des pratiques spécifiques. Il y a en nous une dynamique d’actualisation de soi, qui appelle une intensification, un haussement de notre expérience vitale. Et c’est pourquoi nous inventons, nous voyageons de par le monde, nous nous exerçons à des pratiques spirituelles ou sportives, nous travaillons à augmenter la beauté et la qualité des lieux et des expériences… Autant d’efforts dont la fonction est de générer, dans les mots extraordinaires de Mircea Eliade, une « surabondance de réalité »xi, un « surcroît de substance ontologique »xii.
3e postulat : faire du monde un « Monde » (le besoin de sens et de cohérence)
Après, il ne s’agit pas seulement de nous réaliser « nous-même », individuellement. Nos communautés ont, elles aussi, un même besoin existentiel de déploiement et de dépassement. Cela s’accomplit par l’élaboration de cultures riches, débordantes de vie, de beauté, de virtuosité et de sens. La fonction existentielle s’applique à nous personnellement, certes, mais elle s’applique aussi à la collectivité que ces pratiques entrainent dans ce haussement existentiel et cette intensification ontologique que je viens d’évoquer.
Individuellement et collectivement, nous avons besoin que le monde soit signifiant. Pour ça, il nous faut des expériences esthétiques et sensorielles, et des expériences d’intelligibilité et de signifiance. Cela peut nous venir naturellement, dans des moments d’illumination. Mais le plus souvent, il faut s’y mettre. Il faut y travailler, il faut mettre en œuvre l’alliance main-matière-esprit. Mircea Eliade parle de cela comme de faire d’un « chaos » un « cosmos », c’est-à-dire de relier ensemble les êtres et les éléments du monde dans une même réalité cosmique. Philippe Descola, lui, appelle ce processus la « mondiation », pour désigner l’ensemble des pratiques et des actions qui nous permettent d’inscrire des êtres et des choses disparates dans un tout.
On parle souvent de notre besoin de « sens », mais il ne faut pas croire qu’il y aurait un ensemble d’énoncés scientifiques ou philosophiques qui révéleraient le sens de la vie. On n’a trouvé aucune formulation à laquelle nous pourrions objectivement nous rallier concernant une ou des raisons pour lesquelles nous sommes sur Terre. Aucun énoncé général ne pourrait expliquer pourquoi la souffrance, pourquoi la joie, pourquoi la mort. Mais voilà, ce n’est pas d’une théorie ou d’une explication des causes dont nous avons tant besoin, c’est d’un sentiment de signifiance — c’est-à-dire sentir, ressentir, que le monde est cohérent, intelligible, qu’il est un tout et que nous en faisons partie. Contrairement à ce qu’on pense, souvent, le sens n’est pas une compréhension intellectuelle, mais quelque chose qu’on éprouve. C’est un sentiment, autrement dit, que John Dewey appelle un « sentiment d’intelligibilité et de clartéxiii ».
Ce sentiment ne vient donc pas d’une simple conversion conceptuelle, il émane de pratiques : une cérémonie funéraire ou la fréquentation d’un totem nous font vivre du sens : nos rites funéraires manifestent dans l’espace-temps notre conception de la vie après la mort… Le totem manifeste la magie de l’animal. Les mosaïques des anciennes mosquées ou la musique dite sacrée nous renseignent plus que n’importe quel texte sur la divinité, sur sa nature, et sur notre lien à elle.
On en revient un peu toujours à cette phrase de Paul Klee (Klé) : « L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible » — et cela rejoint une immense idée anthropologique, que Philippe Descola a exploré d’ailleurs à fond dans son livre Les formes du visiblexiv. L’image, l’œuvre d’art, rend visible (ou sensible) quelque chose que l’artiste ou la communauté éprouve, quelque chose qui vit dans son intériorité et sa sensibilité.
Klee (Klé) avait la peinture en tête lorsqu’il disait « l’art ». Mais s’il avait pensé aux arts temporels, tels le théâtre, la danse ou la musique, il aurait dit « fait arriver » au lieu de « rend visible »… Il aurait dit, comme Merleau-Ponty : l’art ne représente pas la situation, il la fait se produire. « L’art ne vient pas nous parler de quelque chose : il est lui-même ce quelque chosexv », écrit Susan Sontag. Et ceci nous amène beaucoup plus loin dans la compréhension de toutes ces stratégies de fabrication esthétique qui permettent de rendre perceptibles, rendre plus sensibles les dimensions invisibles, c’est-à-dire — quoi — l’intériorité du monde.
4e postulat : L’intériorité
Sous l’influence de cette science dominante qui ne s’intéresse qu’à ce qui s’analyse et se laisse disséquer, il est difficile aux hypermodernes que nous sommes, de croire sérieusement aux esprits; de croire sérieusement que les nuages, les vents, les forêts ou les animaux ont une intériorité, qu’ils ont des noms, qu’ils nous répondent. Mais quand on y pense, il est bien plus étrange de croire que nous serions les seuls à en avoir une, intériorité, dans un univers qui serait composé uniquement de quoi… De surfaces ? « L’univers est biface », disait Teilhard de Chardin. « L’Étoffe de l’Univers a une face interne », « Coextensif à leur dehors, il y a un Dedans des chosesxvi. »
Si on pose ainsi qu’il y a une dimension intérieure partout où il y a une existence extériorisée — ce qui franchement est logique —, alors on comprend que l’art travaille dans cette dimension. En l’inscrivant dans la matière, dans les sons, dans les gestes, il la rend tangible. Globalement, nos faires créateurs ont transformé le monde naturel pour y inscrire un peu plus de notre esprit : les peintures rupestres, les jardins, les costumes, les chants… Un peu partout, nous inscrivons notre présence, les formes de notre participation, comment nous voyons le monde, etc. Et par les mêmes canaux, nous pouvons entendre la réponse du monde non humain.
On ne sait pas encorexvii comment notre type de conscience, très intériorisée et réflexive, a pu émerger dans le cours de l’évolution. Mais à un certain moment, avec l’expérience d’une conscience de soi toujours plus affirmée, des problèmes d’un genre nouveau se sont posés à nous : comment gérer ces prises de conscience, en effet, ces fulgurances, ces intuitions du futur, ces souvenirs du passé, ces impressions d’un ailleurs et d’un invisible qui nous habitent? Et comment ne pas postuler l’existence d’une intériorité semblable chez nos compagnons et compagnes humains, de même que chez les animaux, les êtres et les forces de la Nature?
Sa richesse, à cette intériorité, est plus importante, plus vitale, que toute richesse matérielle — et nous en sommes responsables, car elle existe dans la mesure où nous la matérialisons.
Et pourtant…
Le versant psychique de la catastrophe climatique
La catastrophe climatique, qui se passe dans les écosystèmes de la planète, s’accompagne d’une catastrophe humaine tout aussi grave. Elles sont les deux versants — extérieur et intérieur — de la même catastrophe.
Cette catastrophe humaine est multidimensionnelle, et entraîne des désastres sur le plan social, spirituel, scientifique (lorsqu’une seule épistémologie invalide toutes les autres, c’est une catastrophe scientifique), et plus que jamais démocratique…
Ce monde utilitariste et extractiviste dans lequel nous sommes entrés progressivement, ce Grand capitalisme qui s’arroge toute raison et tout pouvoir… Nous sommes autant malades dans nos territoires intérieurs que dans nos environnements naturels et sociaux. « La Nature », construite de cette manière, a fini par se taire et s’éloigner : elle n’est plus pour nous qu’un concept général — un concept dont, en plus, nous ne faisons pas partie. Les animaux et les êtres surnaturels ont perdu leur agentivité : ils ne sont plus que des symboles et des métaphores dans nos rêves et nos images. Nous sommes seuls désormais, dans notre univers scientisé et désenchanté.
Dans cette culture, cet ersatz de culture, l’esprit est un épiphénomène négligeable, inutile à l’ordre cosmique. L’intériorité n’est qu’une illusion générée par le scintillement réactif des neurones. Le monde n’est que de la matière inerte obéissant à des lois physiques qui, elles, ne génèrent que de l’aléatoire. Nous voyons maintenant la nature comme une sorte de mégamachine. Et comme mythes de création, nous n’avons plus qu’une grosse explosion nucléaire (le Big Bang) ou encore des théories comme le multivers et les supercordes qui ne sont, en fin de compte, que des suppositions mathématiquesxix.
C’est là le versant psychique de la catastrophe multidimensionnelle. Nous souffrons d’un « isolement ontologique » : c’est-à-dire de nous sentir seuls dans l’univers. Chacun pour soi. C’est une maladie de l’âme, une maladie cosmique, une maladie du rapport à l’autre et de la relation au monde.
« Mon problème, dit Nastassja Martin, c’est que mon problème n’appartient pas qu’à moi. Que la mélancolie qui s’exprime dans mon corps vient du monde. »
La ritualiste Catherine Dajczman, une collègue à moi, se désole que nous ayons (je la cite) « glissé lentement mais sûrement dans le matérialisme scientiste et anticlérical, brimant ainsi et pour longtemps notre rapport au sens, au sacré et à la solidarité socialexx ». Elle fait remarquer que Freud a assez vite répudié « l’idée de l’âme pour faire de la place à son concept d’inconscientxxi », et elle déplore avec Jung que nous soyons « dans une culture qui ne favorise pas l’intérioritéxxii ».
Mais elle cite surtout le chercheur spirituel Malidoma Somé, qui écrit : « Tandis que le tiers-monde ressent l’urgence d’une aide accrue afin de lutter contre la faim sur le plan physique, l’Occident prend conscience d’une faim si angoissante sur le plan spirituel qu’elle fait presque peurxxiii. »
En tant qu’artistes ou chercheurs en recherche-création, nous ne pouvons pas grand-chose concernant le climat. Mais le pendant psychique de la catastrophe, cela nous concerne; cette catastrophe du sens et de la relation, voilà où nous pouvons agir. Dans la revue Relations, Isabelle citait ces mots du moine bouddhiste Thich Nhat Hanh : « Ce dont nous avons le plus besoin est d’entendre à l’intérieur de nous les pleurs de la Terrexxiv ».
Nous, les poètes et les artistes, nous sommes capables de faire ça. Nous sommes capables « d’entendre les pleurs de la Terre », nous sommes capables de « prendre le regard du loup sur nous », comme nous le demande Baptiste Morizotxxv. Il en va de même pour les pleurs des autres humains et du regard de l’autre sur nous.
Nous sommes les héritiers de millénaires d’application collective de ce pouvoir existentiel du faire créateur, et des savoirs qui lui sont liés : nous pourrions faire bien plus que ce que nous faisons maintenant.
L’origine, la cause première de la crise climatique n’est pas la technologie. La crise démocratique ne commence pas avec le capitalisme. Toutes, elles commencent à l’intérieur de nous, dans nos démissions et nos désespoirs. Et en insistant sur le caractère purement biochimique de nos psychés, la science ne fait qu’augmenter nos malaises et nous empêcher de comprendre.
Il me semble que de renouveler nos pratiques de l’intériorité et développer une science de l’intériorité… Cela nous aiderait à mieux comprendre et peut-être dépasser ces vulnérabilités. Or ces pratiques à renouveler et cette science de l’intériorité à développer… c’est là quelque chose qui se rapproche de ce que nous faisons ici, dans nos études sur la pratique artistique. C’est un projet que la recherche-création pourrait prendre à son compte, effectivement.
Conclusion
C’est l’art qui pose aujourd’hui les questions épistémologiques qui ne sont pas posées par la science. […] Il est donc vital que l’on questionne les processus en l’homme à partir de l’art, que l’on pratique une science de l’homme dans ce sens. (Joseph Beuysxxvi)
Je ne suis pas la seule à croire que l’art et la littérature — des pratiques millénaires — pourraient être nos meilleures voies d’accès. Après tout, c’est par elles que nous sommes devenus humains, si j’ai bien compris Joseph Beuys. C’est vrai que je crois que les modes de vie qui nous aideraient à survivre — survivre non pas dans des bulles de verre, mais dans des environnements naturels en rétablissement — survivre non pas dans des régimes technocratiques, mais dans des sociétés hospitalières —, ces modes de vie devraient intégrer une revalorisation du faire créateur, plutôt que d’aller vers des solutions technologiques, ou des mutations de type transhumanistes, par exemple.
Oui, je sais. L’idée que les arts, ou le « faire créateur », puissent représenter une avenue crédible dans le contexte actuel, cela peut sembler totalement naïf. Mais franchement, je ne trouve rien de déraisonnable à suggérer que la présente ère industrielle, qui en trois ou quatre siècles seulement a mené à une telle catastrophe généralisée, que cette ère industrielle puisse être questionnée dans ses fondements mêmes. Rien de déraisonnable non plus à suggérer que les éthos et les technès millénaires, diversifiés et durables, que l’industrialisation a remplacés n’étaient peut-être pas si arriérés ou « primitifs » que cela. Quand on regarde la décadence des civilisations dans l’histoire, on voit bien que ces décadences s’accompagnent de dérives et de folies humaines. Personnellement, je ne vois pas ce qu’il y aurait d’insensé à suggérer de prendre un pas de recul sur les visions du monde qui soutiennent l’industrialisation et le capitalisme, pour reconsidérer notre chemin depuis là où nous étions rendus au moment de la bifurcation — lorsque nous avons choisi l’épistémologie de la séparation au détriment de l’épistémologie relationnelle du faire.
Mais cela ne signifie pas que j’imagine des « solutions » à la catastrophe humaine. Les bonnes approches, les bonnes pratiques ne nous seront inspirées que par des pratiques de réconciliation avec le monde vivant; elles nous viendront comme nous viennent les œuvres d’art : c’est-à-dire dans le creuset de notre attention à la matière, dans notre engagement avec elle, dans le faire lui-même.
Donc, oui, faire de l’art. Mais aussi, dans la suite de cet élan, générer des compréhensions plus profondes du socle ontologique et épistémologique sur lequel reposent l’ensemble des faires créateurs. Je suis consciente que nous n’allons pas retourner en arrière. Dans une nature moins hypothéquée qu’aujourd’hui, il y avait autant de désastres écologiques, de guerres, d’injustice et de massacres. Ce dont parle Joseph Beuys, en filigrane, c’est d’une véritable « science » de qui nous sommes dans nos sensibilités et nos imaginaires. Une science véritablement humaine, engagée dans la longue histoire et dans la suite du monde.
Dans la mesure où nous prendrons ce temps de la réflexivité, le temps d’énoncer les compréhensions générées par nos activités — le temps de la recherche-création, donc —, nous pourrons à terme constituer un corpus de recherches originales sur nos pratiques, et par extension, un corpus de recherches sur le rapport de l’humanité à l’imagination, à la créativité, et à l’intériorité dans son infini. Chacune de nos recherches individuelles pourrait contribuer à départager les potentiels de ces savoirs-faires plastiques et performatifs qui ont le plus de chance de toucher les profondeurs de l’âme et d’inspirer les actions susceptibles d’augmenter notre sentiment de signifiance et d’inclusion.
En recherche-création, nous ne travaillons pas tous avec les mêmes intuitions, les mêmes approches épistémologiques et les mêmes méthodologies. Et je ne me vois pas en imposer une en particulier. J’ai juste envie de nous inviter à nous investir des mêmes questions et des mêmes intentions que Beuys de « questionner les processus humains à partir de l’art » et de « pratiquer une véritable science de l’Humain ». Nous inviter à la création, certes, mais aussi à la réflexivité, et à partager cette réflexivité. Pour moi, la recherche-création est l’une de ces avenues vers une conscience réflexive agissante, tant dans notre rapport à l’art, que dans notre rapport à l’intériorité et au monde.
Références
Beuys, Joseph, 1970. « l’art est une nourriture pour l’homme », site ÆTHER. 27 janvier 1970.
Collins, Christopher, 2013. Paleopoetics : The Evolution of the Preliterate Imagination. Columbia University press.
Descola, Philippe, 2021. Les formes du visible. Seuil.
Dewey, John, 2010. L’art comme expérience. Gallimard / Folio.
Éluard, Paul, 1968. Œuvres complètes, vol. 1. Gallimard.
Eccles, John C., 1994. Évolution du cerveau et création de la conscience. Champs / Flammarion.
Glowczewski, Barbara. « Aborigènes australiens : Spiritualité : le Dreaming et la terre », Encyclopédie Universalis.
Martin, Nastassja, 2022. À l’est des rêves. Les Empêcheurs de penser en rond.
Miron, Isabelle, 2023. « La force agissante de la poésie », Relations, 821, été 2023.
Morizot, Baptiste, 2020. Manières d’être vivant. Mondes sauvages / Actes Sud.
Nattiez, Jean-Jacques, 2022. La musique qui vient du froid. PUM.
Schryer, Claude. A Calm Presence https://acalmpresence.substack.com/p/lorchestre-de-paris-a-montreal-410
Sontag, Susan, 2010. L’œuvre parle. Christian Bourgois éditeur.
Teilhard de Chardin, Pierre, 1970. Le phénomène humain [1955]. Seuil.
Notes
i Paul Éluard, 1968. Œuvres complètes, Gallimard, vol. 1, p. 986. La citation par Éluard est de Ignaz-Vitalis Troxler, cité par Albert Béguin dans L’âme romantique et le Rêve. » Voir https://www.guichetdusavoir.org/question/voir/44909 Voir Llewelyn, John, Margins of Religion, note 22, p. 452.
ii https://acalmpresence.substack.com/p/lorchestre-de-paris-a-montreal-410 “However, as I sat in this magnificent wood laden temple of sound, the only tangible mention of our current poly–crisis that I could discern, was a brief mention in the program about ‘a reduction in the number of pages in the program’. Nothing else signalled a crisis.”
iii Barbara Glowczewski, « Aborigènes australiens : Spiritualité : le Dreaming et la terre », Encyclopédie Universalis. https://www.universalis.fr/encyclopedie/aborigenes-australiens/#c27346
iv Boutet D. (2024). « ʺUne ténébreuse et profonde unitéʺ : l’espace-temps imaginal de la musique », La Revue des lettres modernes 2024 – 2. Processus créateur et voies négatives, P. 125 à 136.
v Boutet, D. (2015). « L’art et la vie intérieure : phénoménologie d’une expérience de création », B. Hidalgo-Bachs, dir., Écritures poétiques, écritures du sacré: interactions. Paris : Éditions Michel Houdiard.
vi Car la réflexivité a besoin d’un espace vide à l’intérieur pour opérer le retournement.
vii Martin, N. (2022). À l’est des rêves. Les Empêcheurs de penser en rond, p. 57.
viii Descola, P. (2021). Les formes du visible. Seuil, chap. 2.
ixJean-Jacques Nattiez (2022). La musique qui vient du froid. PUM, p. 13. P. Descola (2021). Les formes du visible. Seuil, p. 138.
x Excluant l’insertion plus ou moins artificielle d’éléments codifiés. De tels éléments ne sont pas définitoires de l’art.
xi Eliade, Le sacré et le profane, 45.
xii Eliade, Le sacré et le profane, 87.
xiii Dewey, J. (2010). L’art comme expérience. Gallimard / Folio, p. 323.
xiv « Une image peut ainsi être vue comme une ostension de propriétés ontologiques que le regard de son auteur aura repérées dans la texture des choses ou dans les détours de son for intérieur […]. » Descola, P. (2021). Les formes du visible. Seuil, p. 15.
xv Une œuvre d’art, examinée en sa qualité d’œuvre d’art, constitue un domaine d’expérience et nullement une déclaration d’opinion ou la réponse à une question. L’art ne vient pas nous parler de quelque chose : il est lui-même ce quelque chose. L’œuvre d’art a dans le monde sa place, son existence propre, elle n’est pas simplement là comme un texte, un commentaire du monde. Sontag, S. (2010). L’œuvre parle. Christian Bourgois éditeur, p. 42.
xvi Teilhard de Chardin, P. (1955), 44.
xvii Eccles, J. C. (1994). Évolution du cerveau et création de la conscience. Champs / Flammarion et Collins, C. (2013). Paleopoetics : The Evolution of the Preliterate Imagination. Columbia University Press.
xviii Miron, I. (2023). « La force agissante de la poésie », Relations, 821, été 2023.
xix “The Vedic science story starts out : the Universe is consciousness, which slows down into matter and everything therefore evolves within that consciousness field. […] Western science started out with a story of a non-living, material, meaningless, purposeless universe. It then discoverered entropy and said it’s all running down. This is the bleakest creation story anyone ever thought of.” (Elisabet Sahtouris, evolution biologist http://newstoryhub.com/film/watch/ 2’25’’ à 2’40’’)
Voir Sahtouris, E. (2014). “Ecosophy : Nature’s Guide to a Better World”. https://www.kosmosjournal.org/article/ecosophy-natures-guide-to-a-better-world/
xx Dajczman, C. (2022). Marcher un chemin de légitimité et de liberté. Mémoire, UQAR, p. 23. https://semaphore.uqar.ca/id/eprint/2302/
xxi Idem, p. 22.
xxii Idem, p. 18.
xxiii Idem.
xxiv Cité dans Miron, I., 2023.
xxv Morizot, B. (2020). Manières d’être vivant. Mondes sauvages / Actes Sud.
xxvi « Joseph Beuys : l’art est une nourriture pour l’homme », ÆTHER. 27 janvier 1970. 2’51 et 3’46. https://www.youtube.com/watch?v=kf7JP5thQE0