Danielle Boutet : L’idée de méta-art : Adrian Piper, 1973

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Adrian Piper, “In Support of Meta-Art”, Out of Order Out of Sight, MIT Press, 1996, 17-27.   Résumé et discussion: Danielle Boutet, professeure agrégée, Université du Québec à Rimouski Introduction : cohérence des projets C’est en 1973 qu’Adrian Piper publie In Support of Meta-Art[1] dans la revue Artforum[2]. On est alors en pleine époque de l’art conceptuel et Piper, une jeune artiste philosophe américaine[3], se réclame de ce mouvement. Son idée de « méta-art », présentée un peu sur le ton d’un manifeste, ne générera pas chez les artistes le mouvement d’écriture espéré, mais elle aura été symptomatique d’un courant de réflexivité qui ne s’est pas démenti jusqu’ici dans la pratique de plusieurs artistes. Mon projet doctoral et mes récentes activités m’ont amenée à écrire sur ma pratique de création, et j’ai vu à plusieurs moments comment les deux pourraient être inséparables et s’intégrer l’un dans l’autre pour former un projet créateur d’un … Continuer la lecture

Danielle Boutet : L’intelligence du mot « soi »

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Le présent essai est une étude du mot soi. C’est une étude peut-être plus au sens artistique que scientifique; en tout cas, il s’agit d’un objet conceptuel un peu étrange… Je n’y réfléchis pas sur le soi, mais sur le mot lui-même, en tant qu’objet, d’une façon qui tient davantage de la création littéraire que du travail scientifique. Je ne suis ni linguiste ni philologue ni étymologiste, mais le mot soi étant un objet dont on se sert très souvent, j’ai voulu comprendre comment il fonctionnait, comme on peut vouloir savoir comment fonctionne l’horloge de la cuisine ou un logiciel de traitement de texte. J’ai regardé le mot soi de mon point de vue d’artiste — avec mes affinités particulières pour l’histoire et mon sens de la forme — et l’essai qui suit est en quelque sorte le compte rendu de ma contemplation. C’est une proposition à l’effet que les … Continuer la lecture

Danielle Boutet : Différents modes et niveaux de recherche ayant donné lieu au concept de « recherche création » en art

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Le terme « recherche-création » ou « recherche création » (sans tiret) peut désigner le travail de réflexion autopoïétique[[1]] effectué par les étudiants qui produisent une thèse ou un mémoire de création. Cette forme s’est développée surtout depuis le milieu des années 1990, dans les universités québécoises. Pour en savoir plus, voir le site de l’UQAM ; http://www.unites.uqam.ca/doctorat_arts/. Les ouvrages suivants en donnent aussi une bonne idée : Pierre Gosselin et Éric Le Coquiec (dir.). La recherche création : pour une compréhension de la recherche en pratique artistique. Québec : Presses de l’Université du Québec, 2006. Diane Laurier et Pierre Gosselin (dir.). Tactiques insolites : vers une méthodologie de recherche en pratique artistique. Montréal : Guérin Éditeur, 2004 On a aussi appelé « recherche-création » le travail des professeurs-praticiens dans les départements d’art ou de littérature, dont les activités de recherche consistent à créer des œuvres. Pour en avoir une définition plus précise, voir le site du CRSH : http://www.sshrc.ca/SITE/apply-demande/program_descriptions-descriptions_de_programmes/fine_arts-arts_lettres-fra.aspx Voir aussi … Continuer la lecture

Danielle Boutet : V : Questions de sens dans l’art :
l’œuvre vue, non plus comme objet, mais comme champ d’expérience sensible

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Dans ces théories du ‘champ quantique’, la distinction classique entre les particules solides et l’espace les entourant est totalement dépassée. […] Les particules sont simplement des condensations locales de ce champ ; des concentrations d’énergie qui vont et viennent, perdant ainsi leur caractère individuel et se dissolvant dans le champ. Selon Einstein : ‘Nous pouvons donc considérer que la matière est constituée des régions de l’espace dans lesquelles le champ est extrêmement intense. Il n’y a pas de place, dans ce nouveau type de physique, pour le champ plus la matière, puisque le champ est l’unique réalité.’[1]   Dans l’axe de mon intérêt pour les récits d’artistes, le présent article est construit autour de l’idée que « l’œuvre d’art » est bien plus que l’objet créé par l’artiste. J’aimerais montrer une manière de penser l’art où les fausses séparations sont réconciliées. Nous sommes si acculturés dans la pensée dualiste que nous ne réalisons … Continuer la lecture

Danielle Boutet : IV : Une vision transhistorique de l’art

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[Le poète] doit être conscient du fait évident que l’art ne s’améliore jamais, mais que le matériel de l’art n’est jamais tout à fait le même. Il doit réaliser que l’esprit de l’Europe — l’esprit de son propre pays — un esprit qu’il réalisera être plus important que son esprit privé à lui — est un esprit qui change, et que ce changement est un développement qui n’abandonne rien en route, qui ne supplante ni Shakespeare, ni Homère, ni les dessins rupestres des artistes magdaléniens. (T.S. Eliot[1])   Relativité et multiplicité des conceptions de l’art Dépendamment de qui nous sommes, de la culture dans laquelle nous vivons, notre époque, notre éducation et nos affinités personnelles, nous avons une image différente de l’art. Le critique de musique classique, l’étudiant en art contemporain, l’art-thérapeute, le restaurateur d’œuvres d’art, le spécialiste de la peinture chinoise, le graffiteur, l’ethnomusicologue, l’employé d’entretien à la biennale … Continuer la lecture

Danielle Boutet : III : Art , connaissance et transdisciplinarité : quelques idées

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Goethe insistera sur les différences entre la connaissance de l’artiste et celle du savant. Celui-ci procède par analyse : il divise la totalité en ses éléments constitutifs ; celui-là par synthèse : il saisit la totalité dans une intuition globale. […] Mais il s’agit bien dans l’un et l’autre cas de connaissance. (Todorov[1])   Einstein’s space is no closer to reality than Van Gogh’s sky. The glory of science is not in a truth more absolute than the truth of Bach or Tolstoy, but in the act of creation itself. (Koestler[2])   C’est en travaillant sur le phénomène interdisciplinaire en art[3] que j’ai commencé à m’intéresser à la transdisciplinarité, cet espace unifié de connaissance où toutes les disciplines se compléteraient et s’enrichiraient mutuellement dans l’espoir d’appréhender le cosmos, l’histoire et l’humain à la fois dans toute leur complexité et leur unité. Je suis alors devenue membre du Centre international de recherches et d’études … Continuer la lecture